Journal asiatique, Printemps 2019
Vendredi 1er février
Cathay Pacifique, compagnie d’avion créée dans l’entre-deux-guerres… Les routes de la soie, Frankopan, Peter, route de la foi, route des fourrures, route de l’enfer… Pâtes aux épinards et crumble au citron, note: où est mon premier repas ‘végétarien oriental’ ?, Carslberg, vin rouge. La route de l’or, la route de l’argent, la route de la guerre. Œufs brouillés, saucisse, thé noir. Le passeport, et la douane, mentalement se répétant, Gee, Gabriel Neil, nationalité française, né à Newcastle-upon-Tyne, Angleterre, résidant à Zurich, Suisse, travaillant pour l’Amérique à Lugano, Tessin, Suisse, en visite touristique pour un séjour de trois semaines, au 8 Castle Peak, Visitor’s lodge, Lingnan University, prochaine escale, le dimanche 24 février vol pour Taipei, Taiwan, s’intéresse aux musées et galeries d’art, Hello, circulez… Tuen men, village de garnison, nouveaux territoires, la faculté des arts.
Samedi 2 février
Hong Kong, huang gang, flagrant harbor, station de métro au bout de la ligne, sortie A2, déambulatoire au-dessus de l’avenue menant vers le site de l’ancien port, Victoria Harbor, peer 8, documentation exhaustive des collections permanentes du musée de la marine, exposition regards croisés Etats-Unis – Chine, au prisme du commerce maritime : laque, porcelaine, industrie.
Ferry boat jetée 9 pour Tim Sha Tsui, et retour vers Siu Hong, propice à l’écoute de Jean-Luc Marion commentant la quatrième partie du discours de la méthode, ‘je suis’, entrecoupé par Joe Dassin, ‘Vive moi’.
Interminable attente auprès d’un cuiseur de riz électronique, baptême du riz, sans riz au final.
Dimanche 3 février
“Hong Kong is a transparent shadow, a glass showcase”, Chang Tsong-zung.
Dimanche au campus: de l’appartement à la bibliothèque, de la bibliothèque au Park n’ Shop du Fu Tai shopping centre.
Lundi 4 février
La ‘narratologie’, Mieke Bal. Du petit bureau à la chambre, de la chambre au salon, du sofa à la cuisine, et finalement aperçu de la pièce que l’on a mise à ma disposition dans le bâtiment des arts et cultures visuelles : sur cour, sans cour, climatisation interglaciaire, et l’imprimante fonctionne. Suivi d’une razzia à la bibliothèque, pour tenir le coup durant les trois jours à venir où tout sera fermé pour cause de nouvel an chinois, année du cochon. Poursuite des variantes poêlées sur l’unique plaque disponible, udon, spécialité de pâtes japonaises, avec le cœur de sauce oignon, riz, champignons (longs, fins, blancs), ail, pak choi, accompagnant la spécialité du jour : fines tranches de filet mignon de porc.
Mardi 5 février
Eveillé à quatre heure du matin, cuit à deux heures de l’après-midi. Devrais-je aller voir la parade du nouvel an chinois à Tim Sha-tsui ? Devoir de visiteur ? Et puis non, l’engourdissement pesant, dormi jusqu’à minuit.
Mercredi 6 février
Debout au milieu de la nuit donc, resté jusqu’aux premières heures de l’aube à lire sur le sofa du salon, pas ou peu d’échos des réjouissances, les lumières du bloc étudiant scintillant dans la nuit. Poursuivi en matinée avec l’étude du fonctionnement type du volant moteur et de la boîte de vitesse, le vocabulaire de base alimentaire
Jeudi 7 février
Reprend la lecture de la critique de la raison pure, logique transcendantale, pour se mettre en jambe au matin. Market stall, introduction et chapitre premier, typologie des musées maritimes. Lévinas, face visage, motets de Bach, variantes de nouilles chinoises.
Vendredi 8 février
Les trois jours de fête du nouvel an chinois s’achèvent aujourd’hui. La salle de gymnastique ouvre à nouveau, on y accède après avoir regardé une vidéo d’une heure, qui est projetée à des heures précises à partir du lundi. Tombé sur la sympathique responsable des quartiers du visiteur qui intercède en quelques mots en ma faveur. Trente minutes sur un vélo à grosses gouttes. Boulettes de porc au gingembre et à l’ail.
Samedi 9 février
Tim Sha Tsui East avec En piste. Foule sur Carnavaron Road. Ici et là, des queues inexplicables devant des pharmacies. Pont surélevé pour passer au-dessus de Chathams Road. Le musée des sciences pris d’assaut, en face, pas d’attente pour entrer dans le musée d’histoire de Hong Kong. L’environnement naturel, les temps préhistoriques, premières traces de civilisation, mode de vie des différentes ethnies, hakka, …, l’opéra chinois, les croyances hindous. Escalator, et guerre de l’opium, banque victorienne, occupation japonaise, le grand boom de l’après-guerre et le handover. Achat de ‘grandpas’s kitchen’, un livre de cuisine cantonaise typique.
Dimanche 10 février
Un dimanche au campus. Pour égayer l’après-midi, courses au Park n’shop de Siu Hong Court, de l’autre côté de la station de métro. On traverse l’autoroute qui mène à Shenzhen, puis les rails qui ont été bâtis le long voire au-dessus de la Tien Mun river. Panorama sur les tours massives du Siu hong estate. De l’autre côté, surprise, une autre gare plus petite, celle du light rail, train omnibus qui dessert tous les quartiers entre les stations de métro, et poursuit jusqu’à la mer. Là, le petit mall du quartier, plus populaire que celui de Fu Tai, avec un park n’shop bien tassé au premier niveau.
Lundi 11 février
Rencontre avec Professeur Y.. Parlons de Hong Kong, de Taipei, de Kaohsiung. Curieuse d’en savoir plus sur mes pérégrinations. J’évoque mes déplacements à venir, et la fenêtre encore ouverte à partir de mai. S’ensuivent des recommandations inspirées, ‘so you are going to visit Malaca right ? And Penang ?’. Et bien j’y pensais, justement… L’autre chemin à suivre mène en Chine, les musées de Shenzhen, le quartier des chromos où on peut acheter un Warhol ou un Leonardo fait sur mesure dans l’après-midi, Macau, Guangzhou, mais aussi le long des lignes de fuite, Xiamen (Amoy), Fuzhou dans le Fujian. Pour cela il faut un visa que je n’ai pas. Je pourrais le prendre à Zurich lorsque je repasserai en juin.
Mardi 12 février
Fin de Market stall, les cinq jours standards. Aération, métro pour Tien Mun station, un arrêt, au bout de la ligne tout de suite le parc, rythmé par les sonos et chanteurs de plein air, chansons traditionnelles chinoises, puis longer la rivière jusqu’à Tuen Mon ferry pier. Belle vue sur la rade, les avions au loin en approche vers l’aéroport. La promenade mène à Butterfly beach, au grand parc de barbecue, une cinquantaine de dispositifs circulaires autour d’un foyer, susceptible d’accueillir chacun une famille avec ses toasts et brochettes. Retour avec l’omnibus.
Mercredi 13 février
Je cultive mon allemand en écoutant Verbrechen: Lug und Trug vor Gericht. Fin d’après-midi, direction Central. Le tout nouveau centre d’art de Tai Kwun, l’ancienne prison, transformée en un rare témoignage du passé, tant les architectures de l’époque coloniale ont cédé la place à la fièvre des hauteurs dans cette ville congestionnée. Exposition art contemporain autour de la contagion, peu convaincante. La cour du centre est joyeuse des employés des affaires de Central venus se rafraichir le gosier, et je retrouve P. et son épouse Z., couple genevois-hongkongais avec qui je fais connaissance. Aperçu de la vie hongkongaise, d’un certain retard technique dans la finance, du calme de l’événementiel culturel dans cette grande métropole. Dîner dans un petit boui boui spécialisé en dim sum le long des fameux escalators de central.
Jeudi 14 février
Dim sum de nouveau, cette fois pour le déjeuner, à Lingnan house, un restaurant situé au-dessus de la cantine du campus, en compagnie de Professeur Y.., son époux, également spécialiste de cinématographie, en l’occurrence japonaise, et de l’équipe de Professeur Y… il est de coutume d’inviter ses collègues de travail, ici les jeunes femmes qui accompagnent les tâches administratives du Professeur, tout de suite après le nouvel an chinois. Festin de dim sum, il me faudrait un livre de cuisine de dim sum pour les nommer. Deux plats de nouille, l’un au riz et à la sauce aux huitres, l’autre très fine, typique de Hong Kong (?), légèrement fumé, comme le thé, pu-er.
Vendredi 15 février
Ecriture, gymnastique, écriture, Parkn’shop, écriture, repas, un petit bout de L H S A city of sadness.
Samedi 16 février
Pèlerinage au Hong Kong Heritage Museum à Sha Tin. Depuis Siu Hong, trajet jusqu’au bout de la West Rail Line et changement à la station Hung Hom, puis KRC East Rail jusqu’à Tai Wai. On émerge dans un quartier animé, marche dix minutes jusqu’au HKHM, le long de la Shing Mun river. Le musée présente au rez-de-chaussée des pièces autour de l’écrivain Jin Young, auteur à succès de romans d’aventures reposant sur les arts martiaux. Lui-même a eu une vie intéressante, né en Chine et migrant à Hong Kong, où il se lança dans les médias qui portèrent à la façon d’un Balzac ses premiers écrits. Grande attraction au deuxième étage avec une exposition Bruce Lee ; l’autre côté est plus calme avec les collections de l’antiquaire Tsui, magnifiques céramiques Song, Ming et Qing. Autre grand attrait local l’exposition temporaire ‘Hong Kong broadcasting’, il vaut mieux comprendre le cantonais… Deux expositions de céramiques, l’une de céramique contemporaine, bon, et l’autre, et bien aussi, mais de type sérielle : des porcelaines dites Gangcai, c’est à dire, porcelaine de Hong Kong, fabriquées depuis les années 1970 jusqu’à nos jours, ce sont les équivalents contemporains des chinoiseries de la première modernité. Saisi par cette assiette aux décors floraux tout à fait orientalisants, détaillant un menu de restaurant français avec mousseline de grenouille, côte de veau etc… Passage à Central pour retrouver un étudiant Alexandre R., qui se trouvant sur les lieux m’avait contacté, pas d’étudiant au point de rendez-vous à Tai Kwun, resté un peu dans les parages au cas où, j’ai pu profiter de l’ambiance expatrié un samedi soir à Central depuis le bar Staunton, à Soho, sur Staunton Street. Dîner à deux pas dans le restaurant indian Jashan surélevé, et sans cohue.
Dimanche 17 février
Finalisé le texte de ma présentation pour mardi. Aperçu de A city on fire, de Ringo Lam avec Chow Yun-fat.
Lundi 18 février
Finalisé le visuel de ma présentation du lendemain ! Omelette au gingembre champignon, riz. Pluie nourrie. Passage éclair dans le bâtiment de la faculté des arts, l’imprimante dont on a changé la cartouche d’encre ne marche toujours pas. Achat d’un parapluie à Fu Tai. Soirée à plancher sur la monographie du MAP Office, Laurent G. et Valérie P. qui m’ont donné rendez-vous demain soir.
Mardi 19 février
Réveil aux aurores, trouvé un peu plus tard une secrétaire aimable qui m’imprime les quelques quinze pages de la conférence. Rencontre avec le Professeur H., la salle de classe dans un autre bâtiment de l’université, une vingtaine d’étudiants, et quelques auditeurs mâtures, parle parle parle, précision suisse : une heure quinze minutes. Prenons un taxi avec le doctorant bangladeshi pour la Gold Coast, et l’hôtel de la Goald Coast, très chic, restaurant singapourien à l’ambiance feutrée. De retour à l’appartement, sieste, avant de finaliser mes notes sur MAP. Départ pour Wan Chai et le bar Djibouti. Négocie bien le shopping Mall à l’entrecroisement, et arrivée à huit heure presque pile. Excellente discussion avec les MAP Office, qui sortaient de la salle de sport et buvaient des bières fraîches en fumant quelques cigarettes dans la contre-allée du bar Djibouti. Apercevant un petit marks n’ Spencer food, j’attrape ce que je fais jamais un poulet jalfrezi à réchauffer : ce sera mon repas du soir.
Mercredi 20 février
Démarrage en douceur, retour vers Central – c’est tout de même une heure à chaque fois depuis Siu Hong – pour retrouver mon collègue C. à la station Sai Ying Pun sur Hong Kong Island. Dix minutes de retard, Calvin est bien là à la sortie sur Second Street. Déjeuner dans un restaurant italien, pas mauvais, bruschetta tomate avocat, filet de poisson grillé avec une noix de beurre, purée et très fines asperges croquantes. C., c’est lui qui avait insisté pour essayer un restaurant occidental dans son quartier, moyennement convaincu ! Mise à jour de carrière, ayant fini ses deux ans de doctorat à Hong Kong University, C. cherche un poste permanent tout en enseignant à temps partiel l’histoire et pratique de l’architecture du côté de Tien Mon. Le monde compétitif de l’académie, aperçu du paysage chinois. Suivi d’une longue marche à travers le quartier, sous l’œil avisé de l’historien de l’architecture, dans ce qui furent les premiers quartiers habités de Hong Kong, d’une tour à une autre, on passe en fait des anciens quartiers populaires chinois, en phase de gentrification, aux anciens quartiers des villas occidentales. Trouve le magasin de sport où j’envisageais d’acheter des basket pour la marche/course, sans acheter, et retour à pied vers Hong Kong University, pour rencontrer le collègue de Caroline W., Otto H.. Dans le bâtiment de la faculté des arts sur le nouveau Centennial campus, au septième étage, le visage rapidement rafraîchi après deux heures de marche dans une atmosphère humide, fait le tour des étroits couloirs de département d’anglais, et trouve le bureau d’Otto. avec vue imprenable sur la baie de Hong Kong. Après avoir fait connaissance, nous nous rendons dans la salle commune de l’université, à proximité du noyau originel de l’université, mais en hauteur, on entre dans ce qui ressemble à un club britannique, avec belle vue là aussi sur la baie. Discussion très intéressante autour des îles, du pacifique, des pratiques performatives et théâtrales en archipels, sur lesquels travaille Otto. Retour à travers la foule de sept heure du soir.
Jeudi 21 février
Premières heures de la journée passées à organiser le mois de mai : vol finalement de Taipei, pour Kuala Lumpur. Et vol pour Zurich depuis Singapour, aller-retour, plus économique, et
Calvin m’ayant dressé un tel portrait de Shanghai au mois de juin – affreux, pluie torrentielle tous les jours… - j’irai une autre fois, en visitant la part la plus orientale des marines asiatiques. Payé le loyer de l’appartement à la East Asia Bank, pignon sur le campus.
L’aventure de la journée : acheter une paire de basket, pour s’il fait beau, entreprendre une marche avant que mon premier séjour hongkongais ne s’achève. Bus K 51 pour Tuen Mon centre-ville, qui est un grand centre commercial… Finalement repéré Marathon sport, et achat un peu vite de la plus grande paire de nike du magasin, un 10.1/2.
Vendredi 22 février
La paire s’avère finalement à ma pointure, tout juste. Je me mets en route en début d’après-midi, il fait plutôt beau, d’un soleil présent mais voilé. Passé les portes de l’entrée latérale de l’université tout de suite au-dessous de la loge des visiteurs, on bifurque à gauche et on entame une montée douce vers la colline. Après une vingtaine de minutes, c’est l’entrée du parc, et le début du Tuen mon trail. Je ne suis pas seul, même un vendredi les marcheurs sont présents. Les hongkongais marchant, comme en vélo de course ou randonnée, ont souvent une petite radio qui crie des airs de musique populaire à l’avenant. L’élévation se poursuit sur un chemin bien aménagé, avec des belles vues sur l’agrégat urbain en contrebas, jusqu’à une butte panoramique, un temple non loin. Je marche depuis un peu plus d’une heure, j’aurais le temps de gagner la gold coast. Le chemin cependant devient de terre. Il redescend d’abord, puis il faut choisir, soit continuer la redescente vers Tuen Mon, soit se lancer à l’assaut d’un long escalier escarpé pour franchir le relief me séparant de la côte. J’en suis pour une bonne session cardiovasculaire et quelques tensions aux quadriceps. En haut, plateforme d’hélicoptère, cabane à électricité ou autre, et une belle vue sur le port, même si la fine couche de nuage empêche de profiter de ce qui doit être par temps clair une perspective rayonnante sur la baie de Hong Kong. La redescente vers la mer est rugueuse, le sentier étant peu usité, finissant en broussaille avant de retrouver un canal tout industriel. Traversée des zones résidentielles, puis une pression en bord de mer.
Samedi 23 février
Journée consacrée au référencement et photographie sélective des nombreux ouvrages empruntés à la la bibliothèque de l’université, parsemant l’appartement, et devant être rendus l’après-midi même… Valise. Dîner à Lingnan House, qui s’avère bien moins bon qu’en compagnie du Professeur Y.. !
Dimanche 24 février
Réveil matinal et transfert vers l’aéroport. Une partie des pilotes de China Airlines, la compagnie aérienne de Taiwan, était entrée en grève le dernier jour des célébrations du nouvel an chinois, réclamant des battements de vols moins astreignant et un troisième pilote sur les longs courriers. Ce n’est que la semaine dernière qu’un accord avec la direction a été trouvé, et les vols pour Taipei, très affectés, sont aujourd’hui tous confirmés (tous, car il y a un vol plus ou moins toutes les heures !). Cette fois mon menu oriental a bien été pris en compte, et j’évite quelque poulet de batterie méconnaissable, pour scruter avec circonspection un arrangement glutineux de légumes. Temps couvert, et pas d’aperçu sur Formosa en descente. MRT express pour la gare centrale, puis ligne rouge pour Da’an et le quartier de Da’an, légèrement au sud, dans le centre-ville. Chambre compacte et proprette au neuvième étage dans un appartement qui a été divisé en trois pour servir d’hôtel. Je lis que Arbnb est poursuivi en justice présentement pour ce genre de pratiques en Europe ? Frigidaire, pas de cuisine de près ou de loin, bouilloire, et boulevard bruyant sous les fenêtres, grillagées ; je m’étais souvent demandé de l’extérieur quelle impression cela pouvait donner de vivre dans ces cages modernes. Dîner indien, un peu rustique et salé mais goûtu.
Lundi 25 février
Tous les musées et galeries sont fermées le lundi. J’en profite pour réaliser l’évaluation trois orale du chinois débutant deux. Promenade vers les le ZhongSheng cultural park, ancienne usine de vin et de camphre établie en 1914 par les nouveaux dirigeants japonais. Il y a d’ailleurs un grand nombre de touristes japonais sur le site. Retour à pied pour trouver une librairie au sud de la station Da’an, où je trouve un petit carnet qui me faisait défaut. Tournoiements dans le quartier, et finalement dîner thailandais à deux pas de l’appartement.
Mardi 26 février
Trouvé un vocabulaire de dim sum, au pinyin en cantonais, mais les caractères correspondent. Il s’agit de préparer la visite au restaurant de dim sum dépourvu de menu anglais, par exemple l’enseigne shangaiese Jinian dumplings que j’ai notée en marchant hier. Départ tardif pour cause de mise à jour technologique nécessaire, en direction du musée des beaux-arts et de la biennale ‘post-nature’ co-pensée par l’artiste W. M. que je rencontrai à Singapore l’été dernier. M. souhaitait que cet événement, intitulé ‘post-nature : museum as an ecosystem’, fasse la part belle aux activistes, au public hors du monde de l’art. Le rez-de-chaussée s’apparente à une exposition traditionnelle, avec des œuvres dans la veine écologique. C’est à premier étage que les communautés de Taiwan se font plus clairement entendre. Pris de court, j’y retourne demain, car le musée ferme à cinq heure.
Mercredi 27 février
De nouveau au musée des beaux-arts. Puis bus 418 en direction de la gare centrale, pour retrouver Chun-Teng C. qui a emménagé dans un nouveau studio sur Luoying St. J’arrive ponctuel alors que les grilles en façade du bâtiment s’abaissent. En fait il utilise plutôt la porte arrière, ‘hou men’ (…), d’un local autrefois à l’usage d’un médecin, et qui comporte une antichambre, la salle d’attente avec un joli guichet en bois où j’imagine un ou une secrétaire recevait les patients, et la salle de consultation, tout cela dans un style rétro avant-guerre. En guise de studio, ce n’est pas très grand, mais CT est vidéaste, son matériel de travail tient sur le bureau : un ordinateur portable et un gros disque dur. Il édite une pièce à trois écrans simultanés, filmée dans le Yunnan lors d’une résidence l’an passé, évoquant entre le passé de la région connue depuis longtemps pour sa production de Jade, et les aspirations de la Chine nouvelle, la quête insatiable de la fortune. Nous sortons manger du côté du marché de nuit de X…, en faisant d’abord halte dans un restaurant fameux pour son riz au porc braisé (à côté du studio, ces enseignes à moitié dans la rue à moitié en intérieur qui regorgent de clients sont réputées pour leurs nouilles au boeuf). Le marché lui-même, une longue ruelle à l’intérieur de la rue, étroite promenade bordé sur les côtés des stands de nourriture immensément variée. Nous essayons, du bœuf grillé : le cuisinier a une pile de pièces de bœuf surgelées à sa droite, et sur sa gauche il en ‘grille’ une quantité à l’aide d’un réchaud. Lorsque la viande commence à être cuite, les badauds, comme nous, forment une queue, et en instant on est servi. Il en est ainsi à tous les stands. Autre choix : oignons de printemps enroulés de porc grillé. Pas mal. Nous revenons au studio, où je fais la connaissance de L. YJ, et de son compagnon, artistes tous deux. Lui, contrairement à CTG dont la famille émigra à la suite de de l’éviction de la dynastie Ming, et de LJ originaire de Taichung, est issu d’une famille ‘continentale’, c’est-à-dire arrivée avec Chang-Kai-Chek et son armée en 1947-48. Il est fait référence, plaisamment, à son statut social ‘supérieur’.
Jeudi 28 février
Jour férié, on commémore aujourd’hui ‘l’incident’ du 28 février 1947, lorsqu’une vendeuse de cigarettes fut molestée par les troupes nationalistes fraîchement débarquées, provoquant une rébellion dont les insulaires sont coutumiers, réprimée avec une grande violence, prémisse à la déclaration de la loi martiale qui ne prit fin qu’en 1987. J’avais pensé aller à Keelung, prendre le pouls de ce port au nord de Taipei, ancienne ancrage des espagnols, et où vient d’être inaugurée une biennale qui a tout mon intérêt. Un besoin pressant se faisant sentir d’un retour sur la proposition de publication en cours sur hinterland, et par ailleurs les deux contacts que j’espère pouvoir rencontrer sur le site n’étant pas disponibles, je remets la visite à avril.
Vendredi 1 mars
Rendez-vous à la Tina Keng Gallery avec l’artiste Y…, qui y inaugure une nouvelle exposition, pleine de poissons dépeints à l’acrylique, en trois catégories : deep fish, golden fish, tropical fish. Belle découverte à l’étage dans la section ‘projets’ de la galerie, une exposition sur le thème des ‘accidents naturels’, avec trois artistes dont un, C…, présente un travail autour de l’histoire du port de Kaohsiung. Bouquinage deux trois heures dans la bibliothèque de la galerie, puis départ à la recherche du bar à bière des environs, qui s’avère être une pièce longiligne disposant en effet de bières locales, et animé essentiellement par les patrons et leurs amis investis dans un jeu de cartes. Grande hésitation ensuite quant à mon dîner, devant deux lieux à vingt mètres l’un de l’autre préalablement repérés, un restaurant traditionnel hakka, qui a l’air très rempli, ou ‘cosy lounge’. Opté pour la facilité et pas récompensé, rabat avec succès sur un boui boui coréen à côté de l’appartement.
Samedi 2 mars
Rendez-vous au Bamboo curtain studio, avec qui W… m’a mis en relation. Le studio est une ancienne ferme de poulet, au bord de la ligne de métro dans New Taipei City du côté de Tamsui, à une heure du centre de Taipei, non loin de l’embouchure du fleuve. Discussion avec la fondatrice, Margaret S., et la responsable des programmes. Reviens sur mes pas d’abord à pied, vers Guandu, où se visite un grand temple enfoncé dans la colline, mi-bois mi-brutal, plaisir à humer les vendeurs de saucisses, poisson et tofu grillés qui bordent le temple. Parc naturel, drôle d’endroit plus ou moins à l’intersection des rivières Keelung et Tamsui, espace protégé au milieu de la ville. D’une autre manière que le temple, ses fidèles et l’économie qui les accompagne, le parc offre une marche arrière dans le temps. Très bon restaurant indien une fois regagné Taipei.
Dimanche 3 mars
Dimanche sans grande ambition. Passerai bien un peu de temps à écrire mais guère enthousiasmé par la chambre machine à laver (qui se trouve sur le palier et très populaire avec les trois autres chambres de ce rbnb-hôtel). Tente la biennale où une présentation est prévue à deux heures autour du thème …, en profite pour passer un peu de temps encore une fois dans la salle documentaire, l’intervention étant en mandarin. Dîner chez le steakhouse de Daan St, burger, bon, manque d’inspiration aujourd’hui.
Lundi 4 mars
Train rapide direction Kaohsiung, où m’attends en voiture le gérant du rbnb réservé là, qui s’avère bien plus commode, en plus d’être bien meilleur marché, non loin de l’ancienne zone portuaire et la ‘love river’ (E). Cuisinette, sofa, très moderne, achète quelques dim sum congélés, de l’huile de soja, de nouilles et de la sauce ail-chili et hop voilà qui va mieux.
Mardi 5 mars
Rendez-vous à 15h au musée des beaux-arts avec la curatrice principale, T…, à qui encore une fois W… m’a introduit. Arrivé un peu en avance, après la demi-heure marche depuis la station de métro la plus proche (mais je suis au fait), visite des deux expositions ouvertes au public, l’une sur la migration avec quelques pièces tout à fait intéressantes, l’autre l’annuel Kaohsiung Art Award, où l’artiste C.. découvert à Taipei a aussi une œuvre, autour d’un voyage et d’un journal de voyage dans le grand nord. Il faut que je le contacte, les gens de Tina Keng ne voulait pas me donner son adresse courriel, ils feraient la liaison, mais il ne doit pas être difficile de trouver son contact. A trois heures, je me présente au guichet, F… m’y retrouve très cordiale, et nous nous joignons à l’impromptu à un groupe de commissaires autrichiens, associé à une grande institution d’art vidéo qui ne me dit rien, étant peu porté sur l’Autriche comme sans doute dans une moindre mesure sur les arts vidéo, faisant le tour des lieux avec la directrice du musée, qui m’a l’air d’une personne très sérieuse comme il se doit, et qui n’hésite pas à m’inclure dans la visite, on ne sait jamais j’imagine, en tous les cas je ne me tire pas dans le pied et nous nous retrouvons dans le chantier qu’est le premier étage, en cours de rénovation, où les deux hommes dont on voit qu’ils viennent d’une contrée germanique, comme moi, ce sont les seuls personnes des environs à arborer une ceinture de sécurité, et leur compagnon féminin, semblent quelque peu médusés par ce tour du propriétaire. Ils se rendent dans la foulée à l’université de Kaohsiung pour rencontrer W…, qui ayant étudié à Düsseldorf parle parfaitement allemand, ce qui certainement nourrit les rapprochements. Je reviens demain pour consulter les catalogues.
Mercredi 6 mars
Arrivé pas trop tôt, les débuts de journées commençant par la correspondance, les langues, lecture du journal die Zeit, voire le podcast de Was Jetzt ? , une peu de mandarin bien sûr, et dans la mesure du possible l’écriture des textes parallèles (actuellement ‘le puit-monde’, ‘les villes immobiles’, et le présent journal). Bus 168 grâce à la carte de transport que m’a prêtée F…. Au musée, F… qui avait dit vouloir mettre de côté un certain nombre d’ouvrage pour mon attention, s’est rappelé de la bibliothèque du musée. C’est donc là, bien naturellement, que je m’assieds. La bibliothèque est au sous-sol avec lumière naturelle, pas grand monde, de temps en temps un visiteur vient consulter un magazine, un jeune homme qui passe son temps à cliquer je ne sais sur un ordinateur. Lecture des catalogues d’expositions annuelles de Kaohsiung entre 2001 et 2007. Tente un dîner au restaurant cantonnais du grand Hilai hôtel, bien moins convaincu que la dernière fois (octobre 2017), surtout par le canard, goûtu, mais coupé à la hache et immangeable avec les élégantes baguettes, je me demande s’ils se foutaient pas un peu de ma gueule en cuisine, mais en fait non, il fallait demander un couteau…
Jeudi 7 mars
Poursuite de la lecture à la bibliothèque du musée des beaux-arts de Kaohsiung, puis départ pour le Pier II Arts Centre, où j’ai rendez-vous avec C…, qui m’a aussitôt répondu lorsque je lui ai écrit mardi dernier. Nous visitons la toute nouvelle partie des docks ouverte au public, avec vue sur le phare de Cijing et le consulat britannique de Takow, tout en enregistrant un aperçu de son travail actuel, portant sur l’histoire du port à travers l’expérience de son père, et de ses collègues, autrefois employés au Kaohsiung Harbor bureau. Travail visuel à partir d’images d’archives personnelles, d’histoire orale et de narration par l’image, du dessin au film, et le texte, en incorporant les multiples textures des histoires politiques, sociales, parcours individuels… Très sympa, voyageur, il part pour un mois dans une des îles du sud en avril, peut-être à Amsterdam en juin s’il est pré-selectionné pour une des prestigieuses résidences néerlandaises, rencontre tout à fait heureuse.
Vendredi 8 mars
Dernier jour à Kaohsiung, il convient de mettre à profit les ressources de la bibliothèque, arrivée pas trop tôt néanmoins, ce n’est pas que je me lève tard ces jours-ci, mais le temps de mettre en accord les cylindres, voilà. Une fois attablé, à onze heure, je poursuis jusqu’à cinq heure, le gros de la bête est dépecé, hormis les Kaohsiung Arts Awards, pas eu le temps mais aussi pas privilégié. J’espère que la bibliothèque de la Taiwan national University à laquelle je serai affilié en avril les aura en stock. Dernier soir à Kaohsiung, un souvenir plutôt bon de la branche dim sum de Shangai du grand Hilai hôtel me ramène dans la tour où un événement Dior appâte le beau monde. Au dixième étage, on me guide à une table, pas mauvais du tout. Je me rappelle que le restaurant se vantait d’être dirigé par un ancien cuisinier de Din Tai Fung, la célèbre branche de dim sum taiwanais. Ce n’est pas aussi bon, non, mais c’est quand même pas mal.
Samedi 9 Mars
Remontée vers Taipei. Pluie copieuse sur la capitale. Les japonais devaient préférer le temps, aussi, au nord de l’île. Je me perds royalement à la sortie de la gare. Dépité, je me décide à prendre un taxi, exceptionnellement, pour gagner l’hôtel à trois pas. J’ai l’impression que l’utilisation répétée de la carte google amenuise mon sens de l’orientation. La chambre de l’hôtel : une pièce sans fenêtre quelque part dans un marché intérieur. Pour quelques heures de sommeil ça ira. Dîner thailandais en haut d’un centre commercial.
Dimanche 10 mars
Taxi de nouveau : mais il le fallait pour arriver à l’heure à l’embarquement du vol pour Singapour. Direction Chinatown. Le studio que j’ai loué par rbnb est en plein cœur de Chinatown sur Smith Street, chic, très petit, avec une fenêtre, j’ai eu très peur la veille en relisant les conditions de location, qui ne donne sur rien du tout, ou plutôt si, la hotte du restaurant chinois du dessous, qui va s’avérer extrêmement fatigante dans les deux semaine suivantes. Car si la porte-fenêtre est de confection ‘allémanique’ et donc hermétique au monde extérieur, il n’en est pas de même des deux opercules au fond de la pièce… La cheminée démarre à onze heure du matin, s’arrête en milieu d’après-midi, et reprends vers 17h jusqu’à onze heure du soir. Je vois passer le métro devant la chambre d’hôtel des blues brothers. Dimanche après-midi à la mode anglaise, c’est à dire au pub, sur … hill à deux pas, une enseigne dont nous avions visité la terrasse avec AL l’été dernier, où la bière est fort chère comme partout à Singapour. Repéré un restaurant indien dans le centre-ville, en fait au deuxième étage de Raffles City, un grand centre commercial au nom du ‘fondateur’, dont on célèbre cette année le bicentenaire de l’arrivée sur les rives de l’ancienne Temasek. Restaurant véritablement excellent, mouton et riz safrané.
Lundi 11 mars
Journée administrative. Sors manger un plat de légumes coréen à midi, et retourne le soir à Eight treasures, restaurant chinois végétarien, que nous avions aussi découvert l’été dernier, littéralement au coin de la rue, et qui propose des variantes désincarnées des grands classiques, j’essaye ce soir le porc sucré-salé, sans porc donc, le riz au cèdre et une soupe du Sichuan.
Mardi 12 mars
Pris rendez-vous au centre d’art contemporain pour y consulter les archives. Pas eu de réponse, ni de L. qui m’avait mis en contact avec W.M l’année dernière, ni du formulaire anonyme que j’ai complété la semaine dernière. Arrivé à l’ouverture, dix heures, aux Gillmann Barracks, métro Labrador Park, une ancienne garnison, autre exemple où l’art fleurit sur les dépôts des anciennes structures militaires. La responsable des archives n’est pas encore arrivée. K.M commence plutôt vers dix heures trente que dix heures, est toute jeune et l’esprit vif, a étudié l’anthropologie à UCL, puis les arts visuels à Goldsmith, une école londonienne clairement prisée en Asie. J’ai présélectionné une trentaine de noms d’artistes à partir du site du CCA, artistes qui y ont fait une résidence depuis son ouverture en 2013, et de là on trouve les boîtes correspondantes, qui ont plus ou moins de matériaux, qui sont plus ou moins intéressants pour mes recherches. A midi, K.M me propose de me joindre à elle, P., d’origine indienne, a réalisé une thèse sur la littérature turque, travaillait aux Presses universitaires de Singapour (NUS), et s’occupe désormais des publications du CCA, et… L.! Ce que je ne réalise qu’en passant devant le studio où travaillait WM ; il appert que L. change de boulot, dans une semaine, elle va rejoindre un grand musée de la ville, sans doute cela n’aide pas à s’occuper des petites taches quotidiennes ! Nous déjeunons dans l’un de ces marchés ouverts, des dizaines de kiosks proposent des plats à de prix défiant toute concurrence. Je fais la queue à l’un d’eux qui semble populaire, chinois, et choisis une viande en sauce et deux légumes, servi avec du riz, deux dollards… Après-midi à lire, bien installé devant la végétation tropicale.
Mercredi 13 mars
Je retrouve C. pour déjeuner, à deux pas de Lasalle où elle travaille. Repas chez le français Ginett, en bas de l’hôtel où nous étions restés avec A.L. lors de notre second séjour à Singapour après la visite de Jogyakarta. Salade et saumon, puis filet de poisson braisé. Bon conseils et personnes à contacter. Je me rends ensuite à la National Gallery. Je voulais revoir les tableaux de la collection permanente, mais l’exposition du moment tombe à pic, Between liberation and dreams, présente une sélection d’œuvres de la sphère malaisienne et indonésienne, soit du sud-est asiatique, s’engageant dans l’histoire au sortir de la seconde guerre mondiale. Aussi dans la rotonde une très intéressante sélection de publications par le Centre d’art visuel indonésien, qui est à Joygyakarta nous l’avions aussi visité l’an dernier, un beau bâtiment mêlant références locales et modernité, dont j’étais bien content de n’avoir à y travailler ce jour-là attendu qu’on y effectuait des travaux fort bruyants.
Jeudi 14 mars
Retour au CCA pour poursuivre l’enquête. Je visite le petit mais grand tout de même centre commercial de l’autre côté de l’avenue, qui nourrit les travailleurs de cette partie de la ville – il y a notamment juste à côté des Gilmann Barracks, les locaux de diverses sociétés. Au rez-de-chaussée, je repère trois restaurants indiens, dont l’un végétarien, qui propose qui plus est des dosa ; une dosa oignon masala, cinq dollards cinquante. En fin de journée, glace chez l’artisan local, puis marche à travers le parc des <…>, dont l’extrémité borde les baraques. On monte d’abord grâce à des escaliers et pontons métalliques, qui surplombent la végétation. Au sommet, belle surprise avec de magnifiques points de vue sur l’île de Singapour, côté downtown et ses tours, côté Harbour Front, des deux côtés on aperçoit les grandes structures des terminaux à conteneurs, les bateaux à quai et au loin. Dîner aux huit surprises, soupe Tom Yam et canard à la pékinoise, fait avec des champignons !
Vendredi 15 mars
Le centre de ressource de la galerie nationale a des horaires particuliers, desquels C. m’avait mis en garde. Il ouvre à dix heures, mais ferme à midi et demi pour la pause déjeuner ! C’est singulier tout de même. J’y vais pour l’après-midi, quatorze heure. La bibliothèque se trouve tout en haut du musée, côté dit des ‘tribunaux’ ; mercredi étant un peu rêveur j’étais d’abord entré dans le tribunal même, large édifice qui jouxte la galerie, c’est en passant les appareils de sécurité que je m’étais aperçu de ma mégarde. La galerie nationale, qui a ouvert au public en 2015, confirme l’effort singapourien pour donner un corps culturel à l’île après l’indépendance de 1965, est située dans le cœur historique de l’entreprise coloniale, à deux pas du lieu où Stamford Raffles mit pied, en 1819, aujourd’hui une grande promenade où se baladent les nombreux touristes ainsi, en fin de journée et le week-end, que des hordes de joggers tous équipés des mêmes tenues moulantes venus se défouler, en groupe, c’est cela le plus étonnant, avec un entraîneur ou autre coordonnant leurs efforts ; l’esprit d’entreprise ! Au premier étage de la galerie, on peut visiter les anciennes salles du tribunal, dans lesquelles sont exposés images et textes évoquant l’histoire de Singapour ; une pièce attenante expose les grands textes légaux, depuis l’arrivée des britanniques jusqu’à l’indépendance. Enfin lorsque j’ai tapoté à la vitre de la bibliothèque, à quatorze heure pile, la responsable assise derrière un bureau très occupée à démêler un bout de plastique d’un large ciseau, s’apercevant de ma présence, m’a regardé d’un air ahuri, stupéfaite certainement, il m’a paru sur le moment, s’est levée pour clairement remettre dans la bonne direction cet amoureux de l’art égaré loin des cimaises. Un boulot plutôt tranquille je pense, bibliothécaire à la NGS ! Ce jour-là, en guise d’introduction, la personne, cordiale par ailleurs une fois remise de ces émotions, s’est excusée du fait que le centre ferme plus tôt que d’habitude, à seize heure, car les employés de la galerie étaient conviés à un événement hors les murs. Il convient aussi de noter que le centre sera fermé à partir de mai, pour cause de relocalisation vers un espace plus grand. Décidément ! Il faut dire que la bibliothèque en elle-même est une pièce longiligne étroite, les livres sur les étagères en courts rayons côté fenêtre, une longue table face au mur pour les visiteurs. Et il y fait un froid glacial.
Samedi 16 mars
Rendez-vous avec l’artiste J., à son studio qui se trouve à une heure en bus du centre-ville en allant vers la Malaisie. Petit moment d’inquiétude arrivé sur le site, l’adresse qu’il m’a préalablement indiquée s’avérant être un boucher, dans une série d’entrepôt hébergeant des commerçants semi-grossistes. Un jeune homme me remet dans la bonne direction à partir du code postal, c’est en face, dans un large bâtiment de type industriel. Au cinquième étage, parmi les compagnies diverses qui occupent les lieux, le studio de J., qui a son nom en anglais et japonais à la porte, ample avec deux pièces, une petite cuisine, de hauts plafonds, plus une portion plus calfeutrée pour les manipulations électroniques. Excellente discussion, et aperçu de son travail en particulier vidéo sur les îles de Kayalan.
Dimanche 17 mars
Resté cloitré jusque vers 16 heures, à rédiger une revue de la biennale de Taipei. Terminé en terrasse avec une bière.
Lundi 18 mars
Journée à la bibliothèque de la galerie nationale. Déjeuner dans Raffles City, un thailandais où l’on commande les plats via des interfaces électroniques. En fin de journée, visite de l’exposition du bicentenaire au musée des civilisations asiatiques, Raffles, l’homme d’état et le chercheur (the statesman and the scholar). C. m’a signalé que l’exposition a reçu une réception très critique. Histoire de Java, masques, intérêt pour la culture locale, et prisme européen britannique du début du 19e siècle, Borobudur et Prembanan, Raffles ordonna avant le travail des hollandais les premières recherches archéologiques, inspiré par son intérêt pour les anciennes civilisations javanaises, et ce il est souvent dit au dépens de l’histoire islamique de l’archipel. La maison de Bencoolen à Sumatra, et le feu sur le bateau qui devait le ramener en Angleterre, la nuit avant le départ, toute sa collection d’artefacts et dessins historiques brulés dans un désastre bien suspect. Dîner chez l’excellent indien de Raffles City.
Mardi 19 mars
CCA, suite et fin des consultations. Mangeons dans un autre lieu, à un étage du complexe d’entreprises, même type de nourriture chinoise, toujours deux dollards… Le soir me décide à retourner à un restaurant chinois non loin de l’hôtel où nous avions séjourné précédemment dans Chinatown, découvert un peu par hasard, excellentes nouilles au canard et lard grillé aux œufs brouillés.
Mercredi 20 mars
Réveil mitigé. Nouvelles préoccupantes d’AL. Passage à la bibliothèque de la NG. Skype. Elle ne pourra pas venir à Hong Kong, et il convient de réserver un vol pour Zurich début avril.
Jeudi 21 mars
Balade dans le parc de l’autre côté de la grande avenue pour essayer de respirer un peu. Pour le trouver, on passe dans un ‘autre’ Chinatown, sans les touristes australiens et européens, où la foule se presse aux multiples kiosks de nourriture sans sembler jamais désemplir. Bibliothèque. Soir, direction CCA pour le lancement de la nouvelle exposition, dont le propos alléchant est desservi par une réalisation peu cohérente. Cependant, rencontre avec l’artiste J.L qui termine sa résidence d’artiste, nous convenons de nous voir demain après-midi.
Vendredi 22 mars
Longue discussion avec J.L dans son studio, autour du patrimoine artistique des literati à Singapour, et de sa signification historique. C’est de cet angle là que la marine, pour ce qui est des traditions de la peinture chinoise à Singapour, Hong Kong et Taiwan, devra parler. Rangement de sac.
Samedi 23 mars
Vol pour Hong Kong en matinée, sans la joie que je m’en promettais. Trouve l’appartement à Sai Ying Pun, le premier quartier des communautés chinoises sur l’île de Hong Kong. Appartement dans un bâtiment vieillot, propret une fois passé le hall d’escalier ténébreux. Un peu de lumière, un matelas au sol, et un sofa qui est en fait rempli d’air et va vite se dégonfler.
Dimanche 24 mars.
Dîner indien.
Lundi 25 mars
Journée studieuse à Asian Art Archive, sur Hollywood Street, recherche autour des activités du commissaire d’exposition O., qui ne peut malheureusement me rencontrer pour des raisons de santé.
Mardi 26 mars
Asian Art Archive suite.
Mercredi 27 mars
Balade le long de la baie, où je tombe nez à nez avec une statue de Sun Yat-sen. Il séjourna à Hong Kong au tout début du 20e siècle, coordonnant les efforts de la rébellion nationale chinoise. Belle vue sur Kowloon, le musée M+ en construction, le grand pont qui relie Lai Chi kok à Tsin Yi, Tim Sha Tsui ; derrière les gratte-ciels, la cime des montagnes sous un ciel changeant. La chemise M&S à manche courte mais coton épais de navigateur, avec une veste portée allégrement en hiver sont peu adaptées. Au bord de l’eau, avec trois plantes et un peu de gazon, beaucoup de joggers, qui n’ont pas beaucoup de place pour s’exercer. On ne peut pas aller plus loin que le mémorial, et de l’autre côté on tombe rapidement, surtout si on court, sur le terminal des navettes pour Macau. J’avais prévu d’y aller cette fois-ci, visiter notamment le musée de la marine, mais nous remettons à juillet. Juste maintenant je m’explique la vente de pastel de nata, qui m’avait surprise sur le coup, dans l’inévitable centre commercial qui borde le terminal ! Visite d’Arts Central, les seconds couteaux ouvrent avant Bâle, vraiment pas grand chose à en garder.
Jeudi 28 mars
Asian Art Archive : neither east nor west.
Vendredi 29 mars
Asian Art Archive : Parasite
Samedi 30 mars
Excursion à Victoria Peak en passant par Hatton road, qui se transforme en sentier (goudronné), que fréquentent des gruppetti aux allures diverses, mais généralement bien équipés. Je suis le seul en pantalon de ville et chemise. Heureusement j’ai tout de même mes nouvelles baskets… Halte sur les ruines de l’ancienne batterie, belles vues malgré le temps quelque peu couvert. Longe les bâtiments blancs émoussés par les hauteurs au sommet de l’île, là où le gouverneur et les européens se réfugiaient autrefois pour avoir un peu d’air et moins de moustiques. Qui peut habiter là de nos jours ? J’ai scruté avec une grande attention une femme et ses deux garçons qui revenaient du sport, des britanniques il m’a semblé, sans doute un mari banquier. Redescente par Old Peak Road, une ruelle à sec sur la côte, à travers les ‘moyens niveaux’.
Dimanche 31 mars
Parti pour Tsuen Wan visiter le nouveau Chat : ‘centre for heritage and textile’. Au milieu des tours des nouveaux territoires, une ancienne usine de vêtements, une des plus grandes encore dans les années 1970, transformée en centre culturel, il a ouvert il y a deux semaines à peine. Dans ce coin de la ville, je suis le seul caucasien. Boutiques et bibelots comme on peut s’y attendre, et puis un espace d’exposition au deuxième étage, avec une excellent exposition d’artistes contemporains, essentiellement originaires d’Asie du sud-est, travaillant des matériaux et des idées, bonne surprise, sans compter une nouvelle pièce pour mon corpus : un film de Li Chuang autour du développement de Shenzhen en zone économique prioritaire.
Lundi 1 avril
Le vol pour Zurich est en soirée, je me suis occupé en réalisant une seconde série de photographies dans le quartier, en poussant jusqu’à Kennedy Town.
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Dimanche 14 avril
Retour vers Taiwan. Vol pour Taipei avec Huanan Airlines. Je ne connaissais pas cette compagnie, une recherche en ligne m’informe que Huanan est une des cinq grandes compagnies aériennes opérant en Chine, plus particulièrement en Chine du sud. Au guichet on m’informe que je devrai récupérer mon bagage à Shenzhen, où je dois changer d’avion pour Taipei. Pas génial, et je n’ai toujours pas de visa pour la Chine bien sûr, comment cela se passe-t-il ? Les autorités chinoises délivrent un visa de vingt-quatre heures permettant de fouler brièvement le sol de la république populaire. Vous avez votre billet pour Taipei ? Non, je pensais que vous alliez me le donner. Ah c’est important d’avoir le billet de votre second vol, car on va certainement vous le demander. Oui, je vais à Taipei, vous le savez, je ne vais pas en Chine, pourquoi est-ce que je dois passer par cette complication ? La compagnie opère ce vol transcontinental depuis moins d’un an, elle n’a pas encore l’autorisation de transférer les bagages directement à Shenzhen. Et que dois-je faire exactement à Shenzhen ? Aller au comptoir automatique, tout s’expliquera tout seul. L’avion pour Shenzhen n’était pas vraiment pas grand, place au fond à deux sièges, entouré d’un large groupe de retraités chinois qui revenaient d’un séjour touristique de bonne humeur. Excellente nourriture, même si je n’avais pu commander un menu végétarien ; tout cela dû à l’achat du billet à la dernière minute, Hong Kong Zurich, Zurich Taipei.
Lundi 15 avril
A Shenzhen évidemment petit moment d’anxiété, après avoir patiemment fait la queue pendant une demi-heure à la douane de petit matin, on m’informe que je n’ai pas le bon document. Marche arrière… Au final, ça ira, je n’ai jamais trouvé le type de la compagnie sensé me donner un papier confirmant mon passage éclair, mais avec quelques lignes imprimées par un des employés à Zurich, voyant ma valise tourner de l’autre côté des barrières, et les minutes s’écouler, je me suis adressé directement à l’un des officiers supervisant les opérations, qui, bonne pâte, a accéléré mon passage. Trente minutes plus tard j’étais repassé de là où je venais, dans le hall d’attente assez modeste de l’aéroport international de Shenzhen. A Taipei, arrivée sans encombres à la bibliothèque de l’université nationale de Taiwan, où je demande le Professeur T., qu’on peine à identifier en caractères romains. Finalement voici C.M, ou Morris pour les occidentaux, et son jeune assistant. Une fois les formalités administratives remplies, taxi pour le logement universitaire, j’avais pris le plus chic des choix possibles, à deux pas de la station de métro de l’hôtel de ville de Taipei (cela, je le découvrais alors). Studio spacieux au onzième étage, vue sur la tour 101, les collines à l’horizon. Je pars dîner à l’indien Balle Balle à pied, non sans me perdre quelque peu, me retrouvant subitement devant l’hôtel où j’avais amené les étudiants deux ans auparavant.
Mardi 16 avril
Temps pluvieux sur Taipei. En route pour la National Taiwan University, vers l’est avec la ligne Bannan jusqu’à Ximen, juste après la station de la gare centrale, puis direction le sud jusqu’à guangdu. J’ai un bureau au rez-de-chaussée du département des sciences de l’information, plus grand que celui de Lingnan, avec des fenêtres, qui donnent sur les couloirs. J’y resterai un peu cette après-midi pour la seule fois véritablement de mon séjour, afin de mettre sur papier une liste d’ouvrages à consulter. Ayant trouvé un supermarché à deux pas de l’appartement, j’entreprends de m’approvisionner à mon retour. L’interface culinaire du studio est limitée, une plaque de cuisson, jusqu`à là, pas de grands changements, mais pas de poêle… Une grande casserole, sans bras, et une petite casserole. Qu’à cela ne tienne. J’achète des nouilles, des champignons, de fines tranches de porc, une sauce épicée aux champignons, de l’huile de sésame, et des bamboo shoots marinées. Ce sera mon dîner quotidien, avec variations, tranches de bœuf, porc haché, coriandre frais, oignons frais, précédées de dumplings à la mode thailandaise, réchauffés directement dans l’eau bouillante, suivis de divers biscuits.
Mercredi 17 avril
La météo prévoit une journée ensoleillée cette semaine, ce mercredi, et je décide d’en profiter pour visiter enfin Keelung. De la gare centrale, train pour le nord qui rejoint en une grosse demi-heure la ville portuaire, à travers un couloir entre deux massifs mi-verdoyants mi urbanisés. On émerge de la gare de Keelung sur le port, qui est légèrement encaissé. Visite du musée de la compagnie Ying Yang : au premier étage, des panneaux d’information sur la technologie du containeur, au second, une galerie ancien style avec grands rideaux gris, photographies d’archives drôlement arrangées par un système de cordes, et trois vitrines exposant des curiosités, dont un cendrier avec un relief topographique de la ville. De l’autre côté de la ‘maritime plazza’, le centre culturel ; un escalier à double entrée dessert les étages ; côté rue, de longues baies vitrées, l’ensemble m’a rappelé le nord-est de l’Angleterre, Sunderland ou North Shields. Ayant bifurqué dans les rues avoisinantes, acheté un thé glacé, malheureusement sans bulles (spécialité taiwanaise) mais bienvenu car il commence à faire chaud, tombe nez-à-nez avec des escaliers menant à un temple, qui en cache un autre. En haut de la colline, le temple des fantômes de l’été est déserté, mis à part un couple répétant une danse avec un fanal chacun dans les mains. Au rez-de-chaussée, un petit musée sur le festival et les coutumes qui marquent sont déroulement chaque été. Belle vue sur la ville. Je poursuis sur les ‘crêtes’, en direction de la mer, et du terminal portuaire en embouchure. Temple bouddhique, avec une grande Bodhisattva sculptée en blanc limpide, entourée de deux énormes créature canines, dorées. Vue imprenable. Je poursuis vers le nord, et en suivant la route finis par déboucher sur le site de l’ancienne forteresse construite à la fin de la Qing dynastie, contrôlant l’accès marin ; les français, m’instruisent les notices historiques, bombardèrent le lieu lors de la guerre franco-chinoise dans les années 1880. On y voit surtout les fondations, quelques canons, et des retraités qui y font leur gymnastique. A son extrémité, redescente vers les infrastructures portuaires, que j’ai pu admirer en surplomb, et que je longe à pied le long des poids lourds et hordes de scooters pour revenir en ville.
Jeudi 18 avril
J’ai accepté il y a deux jours d’intervenir mardi prochain dans le séminaire de l’artiste W. à l’université de Kaohsiung. Mieux vaut écrire la présentation, puisque j’ai décidé après quelques essais à voix nue mi-figue mi-raisin ces dernières années que des textes serrés et écrits me serviraient mieux, pour ce genre d’occasion et en anglais du moins. Le titre en sera ‘marines contemporaines : fiction et nouveaux territoires’. En début d’après-midi, assis sur le sofa devant l’ordinateur, je m’étonne soudain que la climatisation que je viens de mettre en marche soit si forte au point de faire trembler les meubles, et en retire du courroux, peu friand de cette technologie américaine importée partout en Asie. C’est en fait tout le bâtiment qui oscille, sous l’effet d’un tremblement de terre de magnitude 6 sur l’échelle de Richter à l’épicentre vers le milieu de l’île… Au onzième étage, le bâtiment oscille, sensation étrange, dont je garde un très léger mal de mer l’après-midi durant. Passage à la bibliothèque.
Vendredi 19 avril
Suis resté à l’appartement à mettre sur papier ma présentation.
Samedi 20 avril
Ayant contacté l’artiste Y.C.C, celui-ci m’a donné rendez-vous en début d’après-midi à son studio, qui se trouve à deux pas. Je peine tout de même à deviner à quelle porte frapper, et c’est au pied d’un seven-eleven – permettant de se connecter à internet – que je reconnais Y. venu me chercher en bas de chez lui, jogging et t-shirt noir, large ceinture de flibustier à la taille. Son studio est un appartement sur deux étages, avec un balcon donnant sur un chantier où l’on va construire un nouveau musée. Il écarte d’une grande table un large paysage en cours de réalisation, dessiné au stylo, appartenant à une série peu orthodoxe qu’il poursuit depuis une résidence en Ecosse il y a plusieurs années. L’homme fait partie de ces gens assez bourrus en apparence, qui se révèlent généreux, une fois passée leur suspicion à votre égard. J’avais préparé des questions mais Y. les écarte rapidement pour poursuivre sa propre introduction à son œuvre. Cela arrive avec des artistes reconnus. Voyant mon intérêt, Y. me transfère sur ma carte USB que j’avais par hasard avec moi, des séries de documents sur son travail qui seront bien utiles une fois revenu à Zurich. Son studio est en partie une archive, les murs recouverts du sol au plafond de papiers et cartons, qui ont quelque peu bougé jeudi dernier avec la secousse. Il est en effet, outre artiste plasticien, un prolifique historien éditeur de compilations notables sur les pratiques performatives et les installations dans les arts contemporains taiwanais. S’apercevant que j’habite à Zurich, et étant en discussion avec une maison d’édition zurichoise qui recherche un éditeur pour une publication sur ses peintures, il suggère à brûle pourpoint que j’en prenne la charge. Ça me paraît un peu improvisé, surtout pour les suisses dont je vois la tête d’ici… J’accepte de ramener un de ses livres, une édition assez luxueuse, s’il le souhaite. Thé et jazz en fond sonore.
Dimanche 21 avril
Rédaction le matin ; après-midi visite du quartier de Wanhua, premier site d’urbanisation de la ville. Marche depuis la station Wanhua résolument vers le sud, passage à travers un marché animé, débouche sur un parc avec équipements sportifs, dont une série de grands murs pour joueurs de tennis, ressemblant à des cours de squash. Arrivé en bordure du fleuve, que je remonte en partie, seul piéton parmi les nombreux vélos sur la piste cyclable.
Lundi 22 avril
Petites retouches du texte, puis impression à l’université. Rencontre avec l’artiste YJ dans un café qui fait aussi espace de travail partagé du côté di Xiamen, la porte de l’ouest. Après avoir discuté de son travail, une interrogation en sculptures, vidéos, installations, des désirs et emprunts ornementaux dans l’architecture taiwanaise, nous arpentons immédiatement au nord les vestiges de l’ancienne ville de Taipei sous la dynastie Qing, et au même endroit les quelques bâtiments iconiques de l’administration japonaise, notamment le bureau de poste, toujours en activité, au style très victorien.
Mardi 23 avril
Train pour Kaohsiung en fin de matinée. Aussitôt arrivé direction la National Kaohsiung Normal University. Il fait très chaud dans le sud de l’île. A l’entrée de l’université, le portier qui ne parle pas anglais m’envoie dans la mauvaise direction, il était convaincu que le numéro de téléphone que je lui demandais d’appeler était erroné. Finalement deux étudiantes en langue anglaise abordées dans le département d’anglais font comprendre à son collègue, moins borné sans doute, qu’il convient de joindre ledit numéro, se chargeant elles-mêmes de la communication ! On vient me chercher, le bâtiment de la faculté des arts est face au terrain sportif de l’université. Dans une salle tamisée à la mode japonaise (sans soulier…), je parle, et assez longtemps, car je n’avais pas anticipé la nécessité pour mon hôte, l’artiste W., de ponctuer mes propos de résumés en mandarin. Après l’intervention, je vais poser mon sac à l’hôtel, à deux pas de la station centrale – qui n’est pas la station Zhuoying du train grande vitesse et située au carrefour des transports urbains. Dîner dans un restaurant thailandais très chinois tout à fait vide.
Mercredi 24 avril
Rendez-vous au Pier 2 Art Centre, même point de rencontre que lors de ma précédente visite et entretien avec C., soit devant l’assez moche croix de conteneurs que viennent photographier les touristes bonne pâte. Les trois filles de l’équipe présentes hier à l’université me rejoignent et j’ai droit au tour du propriétaire en bonne et due forme, j’en suis bien content, tout de même ! La chose intéressante c’est que l’équipe a décidé d’axer son appel à artistes en résidence, jusqu’à huit par an, l’an prochain, autour de l’océan, et pas seulement le passé industriel de Kaohsiung. En début d’après-midi, je retrouve W. à Cijin. Après une glace chez un glacier qu’elle connaît bien pour l’avoir interviewé, glace qui est ici exactement ça, de la glace pilée, nous partons retrouver une femme d’origine thailandaise qui a un petit restaurant près du Cijin Lab, et avec qui W. va s’entretenir sous les caméras de deux de ses étudiants ; c’est le développement actuel du projet ; après l’entretien, encore une glace, cette fois avec de la crème, et visite de l’ancienne baraque militaire où se trouve le laboratoire. En fin d’après-midi, retour avec le bac à Kaohsiung, puis le train pour Taipei.
Jeudi 25 avril
Finalement pas de livre à transporter pour Zurich.
Vendredi 26 avril
Passage à l’université, j’aperçois M., poursuis le catalogage et la photographie des essentiels de l’histoire de l’art taiwanaise, un livre en cachant très souvent un autre, la tâche prend du temps. Rencontre à 16 heure avec la curatrice S. dans un café à deux pas de l’université ; le détail théorique de ses projets de ville miroir n’est pas toujours très carré, mais leur fond est solide et bienvenu, leur amplitude pour le coup impressionnante, Malaysie, Cambodge, Shanghai, Gauangdong, en ce moment préparant avec Y. une exposition à Green Island qui ouvre en juin… Très sympathique au demeurant, et se proposant de me mettre en contact avec un artiste qui a un espace d’art à Kuala Lumpur.
Samedi 27 avril
Passage à l’université, bibliothèque, puis remonte à pied vers Da’an, une bière ou deux au pub américain.
Dimanche 28 avril
Passage à l’université, bibliothèque, puis remonte à pied à travers Da’an parc, puis zhongchan x., quelque pas dans la rue commerçante aux magazins de mode branché, dîner au restaurant Paradise … dans le centre commercial breeze, dim sum excellents au ginseng et à la mode du sichuan, chaussons frits etc…, prix plsu que correct, si je ne m’étais pas entêté à faire mes variations de nouilles chaque soir, je serai venu souvent durant ces deux semaines. Enfin mes repas au calme étaient plaisants, pas de regrets.
Lundi 29 avril
Vol pour Kuala Lumpur. Dans un avion très plein de China Airlines, à ne pas confondre avec China Air, je m’assois sans humeur dans un large siège avec hublot, un seul voisin à ma droite. Bien confortable cette compagnie, que je me suis dit ; c’est en allant aux toilettes à mi-parcours (il faut compter quatre heures entre Taipei et KL), que j’ai aperçu mes co-passagers, les uns sur les autres, dans la section économique où je me tasse habituellement ; j’ai été surclassé et nageais tel un poisson dans l’eau. Aéroport de Kuala Lumpur, nous sommes sur le sol malaysien et à l’avion qui était essentiellement rempli de voyageurs aux ascendants chinois, importante communauté de Malaisie bien sûr, s’est substitué un paysage plus divers, et masqué, puisque telle est la coutume de ce pays. Transit pour le centre-ville, non sans m’être ridiculisé en prétendant aux barrières automatique qu’on ne m’avait pas donné mon billet de train acheté aux bord du tapis roulant, billet qui était en fait habilement caché sous ma carte de crédit, le monde commence à aller sérieusement trop vite pour moi… Négocie plutôt bien le métro, qui est compartimenté en différents types non-immédiatement compatible, à ligne différente, gare différente. L’hôtel est une grande tour ronde, je suis au dix-neuvième étage, la chambre est dans un appartement partagé avec un autre voyageur. A deux pas de Bukit Bintang, le quartier à paillettes où se pressent les touristes venus découvrir l’allant de la capitale malaisienne. Sorti dans une chaleur pesante, mais pas tout à fait aussi étouffante que l’on me l’avait promis – il fait 32-33 degré, je ne bisque pas devant le ribanbelle de bars nichés au coin de la rue, et vais dîner dans un restaurant irakien, histoire d’affronter le taureau par les cornes. Excellent jus menthe-citron.
Mardi 30 avril
Visite dans l’après-midi du Seni negara, la galerie nationale des beaux-arts, qui en préparation de la prochaine exposition, sélection annuelle des ‘young contemporaries’, artistes malaisiens de soit moins de quarante ans, n’a rien à montrer au visiteur, moi et peut-être deux autres personnes mal inspirées. Sans compter que pour y arriver, au musée, il faut marcher depuis la plus proche station de métro une petite demi-heure dans une bonne canicule bien humide pour contourner un immense chantier – une nouvelle gare de métro apparemment… Cependant, derrière des vitres teintées au rez-de-chaussée, le centre de ressource s’avère une bonne pioche. Passé deux heures peut-être à ingurgiter des rudiments d’histoire de l’art malaysien moderne et contemporain.
Mercredi 1er mai
J’ai rendez-vous à 11h à l’espace ‘Lostgens’ près de Panar Seni, non loin de ‘Chinatown’, appellation que mon hôte l’artiste Y., qui a beaucoup fait ces dernières années pour préserver l’architecture vernaculaire face aux dents aiguisées des promoteurs immobiliers et le désintérêt de la municipalité, récuse, sorte d’outil de vente bon marché et grossier du monde globalisé. Mais le quartier est bien un des lieux d’implantation historique des communautés chinoises à KL. A la fin de notre conversation, Y. en vient à s’interroger pour mon intérêt visible pour son travail avec les communautés locales, travail social, plus qu’artistique, au premier abord, et j’explique mon pedigree… ce qui me vaut une invitation à l’accompagner en fin d’après-midi à une rencontre, une prise de contact, avec les autorités d’un village situé en dehors de la métropole. J’en souris maintenant, mais sur le coup, ce n’était pas clair, en anglais, ‘to visit a village out of town’, et il insistait bien sur le fait que ce serait bien dépaysant pour un type comme moi, et que je verrai somme toute une autre réalité, loin des lumières de la ville, bref, je me préparais mentalement, ayant accepté l’invitation bien entendu, à me retrouver dans les broussailles des tropiques à faire le tour d’un kompong malaysien, tel que j’en avais vu dans les tableaux de la Nanyang Academy. Et bien pas du tout ! Une fois revenu de ma visite au musée d’histoire, très intéressant et dont tous mes interlocuteurs poussèrent de longs soupirs à sa mention – vieillot, partisan, à l’inverse de Raffles ici c’est l’histoire bouddhiste qui est évacuée au profit de l’essor islamique, même si le message d’ensemble est très pro-multiculturalisme – nous partons en voiture, Y. et une jeune interne, J., inscrite à l’école d’art de KL, en passant d’abord prendre la femme de Y., sa fille et son tout jeune fils, ainsi que le designer de Lostgens qui fait office de baby-sitter pour ce dernier. Le ‘kampung’ et la jungle malaisienne s’avèrent être joignable par l’autoroute en une petite demi-heure, en banlieue en somme. La maire et son équipe nous attendent dans la maison de quartier, au bout de la rue principale où s’étend un marché en plein air. S’ensuit la discussion, en mandarin, que J. me traduit par à-coups. La ville souhaite réaliser un projet, dont la forme reste à définir, s’engageant avec l’histoire de l’endroit. Lostgens, Y. et son épouse, très sympathique également et originaire d’une famille peranakan de Malacca, sont les personnes idéales avec qui s’entretenir, vu le contexte ; car ce bout d’urbanité est né dans les années cinquante, le gouvernement octroyant à faible prix des parcelles de terrain, une carte montre exactement la distribution des sols, au migrants chinois, que j’imagine partie de l’exode d’après-guerre. Le piquant est qu’à part le sol, rien d’autre ne fut fourni à l’origine, les nouveaux venus construisant l’ensemble de l’infrastructure de leur propre chef. Une fois les palabres terminées, avec le fils de Y. hurlant et courant de tous côtés, sans qu’aucun des participants, la maire et quatre hommes dans leur cinquantaine, les parents du trublion, n’esquissent le moindre décontenancement, nous prenons deux voitures et partons repérer les lieux. C’est le safari Nanyang. Les maisons les plus anciennes sont en bois, avec pas mal de cachet, hormis la route du marché, la place principale où se trouve l’important temple, aux croyances incertaines, sorte de syncrétisme taoiste, et un grand terrain de basket… Ce que propose a priori Lostgens, ce serait une sorte de musée-archive, construit à partir des souvenirs, matériels et oraux des habitants. Une fois les affaires terminées, j’accompagne Y. et famille dans un restaurant hokkien local, la spécialité y étant la soupe au lard.
Jeudi 2 mai
Nouveau rendez-vous aujourd’hui, avec F. un artiste dont le contact m’a été donné, avec de chaudes recommandations, par J. à Singapour. Il faut prendre le métro pour le nord, une bonne heure de transit, pour arriver… au milieu de nulle part. F. m’ayant dit le soir précédent, qu’il m’attendrait à la gare, je le cherche des yeux, sans succès. Le problème suivant étant, comme je l’avais bien repéré au préalable, qu’accéder à son studio non loin est compliqué par le tracé semble-t-il infranchissable d’une autoroute. Finalement, je décide d’aller jeter un œil aventureux au-delà d’une passerelle conduisant au bord de l’autoroute, mais du mauvais côté. En bas, un arrêt de bus, je fais quelques pas pour vérifier qu’il n’y a effectivement pas d’issue possible, sous le regard circonspect de deux travailleurs indiens, et en revenant sur mes pas, je vois une figure sortir d’une voiture garée en bord de route, c’est F. qui m’attendait là ! il faut faire tout une boucle pour accéder à la zone commerciale où se trouve son son studio, à l’étage dans un grand entrepôt. C’est joliment aménagé, une grande bibliothèque au centre, des tableaux, des sculptures, dont des truies en céramiques au milieu des livres, et des objets curieux un peu partout, deux sofas près de la fenêtre pour s’entretenir avec en fond un énorme tableau, une figure religieuse, un imam peut-être, évanoui transporté par la foule, je ne demanderai pas une explication iconographique. F. prépare une rétrospective qui aura lieu en octobre à la galerie nationale, mais nous parlons surtout de son Enrique de Malacca. Un artiste inspiré, ou ré-inspiré ? Il a été peu présent ces dix dernières années, mais revient de la biennale de Sharaf, et d’Istanbul où il est allé spécifiquement pour voir le musée de l’innocence.
Vendredi 3 mai
J’ai aménagé comme j’ai pu la chambre d’hôtel, c’est-à-dire en déplaçant un peu le petit bureau collé contre le mur, de sorte qu’en diagonale il ouvre sur la grande baie vitrée, et donne vue en partie sur les tours en vis-à-vis et les boulevards congestionnés en deçà. Là, je peux écrire un peu en matinée, notamment ‘le puit-monde’. Je me rends à nouveau à Lostgens. Y. a proposé d’aller voir ensemble une exposition à la Ihham Gallery du peintre xxx, d’origine chinoise installé à KL dans les années soixante après des études à Paris. Puis la Malay Design Archive, où je dois rencontrer le jeune historien de l’art S., figure montante des environs, qui d’ailleurs a codirigé l’exposition à Ilham. Il arrive avec deux bonnes heures de retard, coincé dans les embouteillages du vendredi, jour de prière privilégié à la mosquée, aggravé par une pluie battante. Pas grand chose dans l’archive, quelques livres de références cependant qui me permettent de patienter sans effort. Une fois arrivé, nous allons chercher un peu de nourriture au café au rez-de-chaussée qui fête un anniversaire – un agneau rôtit sur une broche à proximité – avant d’avoir une discussion peu profitable ; S. est un universitaire cérébral, dont la diction très maniérée demande un grand effort d’attention. Je ne crois pas que mes affaires maritimes l’intéressent. Ça arrive !
Samedi 4 mai
Visite du ‘Islamic museum’, belle collection, de nombreux manuscrits, des textiles, des céramiques.
Dimanche 5 mai
Quatre heures de train pour Butterworth, la campagne malaisienne s’étire. A Butterworth, ferry pour traverser le bras de mer et accoster à Georgetown, Penang.
Lundi 6 mai
Le musée des Beaux-arts est fermé, en rénovation, et il n’y a dans ce patelin, qui à la fin du 18e siècle fut approprié par la compagnie des Indes Britanniques au dépens du sultan de Kadeh,
qu’à profiter du patrimoine architectural. La vieille ville est charmante il est vrai, maisons à un étage avec arcades. L’autre réputation de Penang est la gastronomie, entre cuisine malaisienne, peranakan et indienne.
Mardi 7 mai
En me rendant, histoire de ne pas m’ankyloser, vers une bâtisse dont je supputais un vague intérêt culturel, tombé sur la société philomatique, dédiée à l’œuvre et l’héritage politique de Sun Yat sen, dont j’apprends qu’il passa six mois à Penang en 1910, toujours à la recherche de fonds et préparant la prochaine insurrection. Le musée a des petites vignettes en trois dimensions illustrant les rebellions ratées précédant 1911.
Mercredi 8 mai
Passé la matinée à entamer l’écriture d’une revue de l’excellent ouvrage sur Artangel de C.
Promenade à Fort Cornwallis, à deux pas de l’hôtel bien cossu de mon choix, pas grand chose à voir, à part un vieux canon hollandais sauvé des eaux il y a bien longtemps.
Jeudi 9 mai
Fini la revue d’Artangel. Temps pluvieux, les retombées d’un typhon en Inde du sud.
Vendredi 10 mai
Décide de me remuer un peu, taxi pour le temple de Kek Lok Si, le plus grand temple bouddhiste de Malaisie. C’est un mélange de charme et de kitch absolu, comme souvent pour ces complexes.
Samedi 11 mai
Départ à l’aube pour Malacca, ou plutôt Tampin, la gare la plus proche de Malacca au milieu de nulle part. Compter sept heures. A Tampin, à la sortie de la gare, j’entends tout de suite les ‘taxi’ ‘taxi’, jeté depuis un banc par les chauffeurs à l’ombre. C’est ce que je voulais entendre, ça me coûtera la même somme que le billet de train, toujours dans l’ordre du raisonnable pour le franc suisse. Une heure porte à porte, dans une voiture du siècle précédent. Arrivé à l’hôtel ‘Tun Fatima Riverside’, chambre avec un fauteuil ! Bois et cuir, avec même une petite table d’appoint pour mettre quelques livres, parfait. L’hôtel est central, au bord du fleuve, qui n’est pas large. Visite de repérage, on peut marcher à pied jusqu’au Stadhuys au bord de l’eau. De là s’élance une rue touristique, sorte de ‘marché de nuit’. L’embouchure de cette ville célèbre, où depuis le quatorzième siècle venaient accoster les navires de commerce de tous poils, a aujourd’hui disparu derrière un bras de route circulaire, et une marina privée.
Dimanche 12 mai
Après-midi : parti à pied pour la place des portugais, située quelque peu en dehors de la vieille ville, curieusement. Il fait très chaud à Malacca, ainsi que Fuad me l’avait prédit ; une heure de marche, ayant commencé résolument dans la mauvaise direction nouveau signe de l’influence nocive de la carte google, pour arriver à un vilain complexe déserté. Ca vaut une bonne photo de ‘Lisbonne’. Dîner in extremis dans un restaurant Nonyan réputé, il n’avait plus de place sinon au bar ce qui me va très bien.
Lundi 13 mai
Ce qui est bien avec les hôtels confessionnels, c’est qu’un non-croyant, en période de ramadan, bénéficie de la salle du petit-déjeuner plus ou moins pour lui seul ; un matin trois visiteurs ‘chinois’, un matin trois visiteurs ‘indiens’, et c’est tout, avec le caucasien. Après l’omelette du premier matin – suggéré par le serveur sympa alors que j’avais choisi un nom exotique sur le menu – variation sur le séjour entre le riz, les nouilles de riz, et les nouilles jaunes, toutes servis à la mode malaisienne avec un mélange de crevettes, de noix et d’épices. Après-midi, je réalise à un certain moment que je sors systématiquement au point le plus chaud de la journée, visite du complexe sur la colline, là où se trouvait autrefois le palais des sultans de Malacca. Une fois passé la place aux touristes, avec des dizaines de rickshaw en forme d’anges roses qui mettent des tubes bidons à vous crever un tympan, parcours historique dans les anciennes bâtisses hollandaises, la demeure des gouverneurs hollandais puis britanniques, et l’église St Paul en ruine au sommet de la colline.
Mardi 14 mai
Visite du musée de la marine, en forme de caravelle, rempli de panneaux informatifs, à défaut de collections, comme la plupart des musées locaux. Un panneau sur Panglima Awang, le Magellan malay, ils feraient mieux d’acheter une installation à Fuad !
Mercredi 15 mai
J’ai fait le tour du propriétaire, mais j’avais oublié de visiter la reconstitution du palais malais à l’arrière de la colline, ainsi que du musée islamique, rien à voir avec celui de KL, juste panneau sur panneau, le palais, très belle architecture pollué par des scénettes mal conçues – moi qui adore les scénettes historiques désuètes !
Jeudi 16 mai
Temps de quitter Malacca. En bus, qui me laisse en galère à la frontière. La queue à l’immigration prend rien moins de vingt-cinq minutes, et arrivé de l’autre côté pas de bus. J’attends de voir si un autre de la même compagnie se rapplique à l’heure suivante, mais non, j’aurais mieux fait de payer moins cher et de prendre la compétition qui a bien plus de services, et semble attendre ses passagers non singapouriens. Me détourne vers les bus locaux, et une bonne heure d’omnibus.
Vendredi 17 mai
Prise en main de l’hôtel plutôt chic sur Beach Road, dont je me suis aperçu avec surprise en y arrivant qu’il se trouve juste dessus du restaurant malais peu convaincant où nous avions tenté de célébrer mon significatif anniversaire de l’an dernier. Le petit déjeuner est servi dans la salle du restaurant, plutôt occidental pour une clientèle occidentale ; en arrivant tôt, vers sept heure du matin, on n’est pas bousculé. Vue sur la rivière et un étang où autrefois, je crois, séjournaient les orang laut ; aujourd’hui, les silhouettes des jeunes rameurs s’exercent de bon matin. Je me rends à la galerie nationale, pour consulter les archives du centre de ressource, car il me semble qu’elles n’ont pas encore fermées comme annoncées, mais c’est jour férié ! La galerie ouverte, le centre de ressource, toujours en activité, non. Passe voir l’installation de Charles Lim, qui ne m’a pas répondu, sur les toits, un jardin de pièce rapportées, végétal et rocailleux. Vasak day, fête majeure du calendrier bouddhiste, je l’apprends. Retourne le soir manger dans un restaurant coréen près de Chinatown, tenu par un couple où la fine patronne est au commande, les tripes n’y sont pas aussi goûtues que j’espérais.
Samedi 18 mai
Que faire de retour à Singapour ? Le voyage commence à se faire long, je n’ai pas prévu grand chose, pas de rendez-vous, et me verrais bien revenir plus vite en occident. Entre temps, je pourrais filmer des éléments iconographiques typiques de la ville-état, comme je me l’étais promis, en prévision de la réalisation d’un court film de type historico-expérimental. Et sur la liste des sites-images à saisir, les jardins botaniques, où je ne suis pas encore allé. Une station de métro dessert les jardins, qui furent fondés par Raffles, grand amateur de plantes et de savoirs exotiques, on connaît la monstrueuse fleur Rafflesia. Belle balade dans ces jardins qui s’étirent en longueur, dotés d’un petit musée baignant dans le paradoxe singapourien, la célébration du sol local et de sa variété, la nécessité de le préserver, et le paroxysme d’urbanisme contrôlé qu’est devenu l’endroit. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre…
Dimanche 19 mai
On poursuit la recherche des instants iconographiques mouvant. Aujourd’hui, de longue date au programme, le retour à Fort Canning. La colline où les britanniques établirent autrefois leur forteresse et garnison est située derrière le musée d’histoire de la ville. Malheureusement, pour moi, j’ai oublié que nous sommes dimanche… Les pentes, les bancs, les sous-toits sont occupés par la jeunesse philippine locale, qui ici comme à Singapour, main d’œuvre bon marché travailleurs de l’ombre, a aujourd’hui relâche. L’imposante porte de la forteresse, que j’avais en ligne de mire, symbole majestueux de l’empire britannique, est squatée par un groupe d’adolescents en plein concert privé qui profite de l’écho qui se dégage sous la voûte; la maison malaise, construite là où Raffles se croyant mourant, avait ordonné qu’on le conduise, en partie pour profiter de l’air plus frais des hauteurs, en partie pour être enterré, le cas échéant, en bonne compagnie, celle des sultans de la mythique Singapoura dont il avait retrouvé les traces et les tombes sur la colline, est assiégée par des grappes de jeunes travailleurs, qui picorant un pique-nique en bavardant assis à même le sol, qui sirotant un whiskey coca en chantonnant un air pop. J’ai travaillé le cadre brisé.
Lundi 20 mai
Me décide à aller lire un peu, pars l’après-midi au centre de ressource, toujours aussi frigorifique. A ma sortie, la bibliothécaire me certifie que ça y est, à la fin de la semaine, ils ferment. Nous étions deux à potasser. La femme qui planchait à mes côtés, sortant en même temps à la fermeture, cinq heure, du genre curieuse m’interpelle avec un bel accent français, pour savoir sur quoi je travaillais, moi. F. connaît bien Milan, pour y avoir grandi, franco-italienne donc, mais avec un accent français en anglais, non italien, a suivi son mari à Singapour, les enfants en bandoulière, et prépare un master en histoire de l’art à la Open University. C’est donc la vraie vie d’expat ! Le hic c’est de trouver un sujet de mémoire pour la seconde année, qui ne soit pas trop singulièrement asiatique, pour pouvoir transférer les compétences, semble-t-il ils ne resteront pas éternellement sous les tropiques. La discussion se fait en chemin vers le métro, j’acquiesce de bon cœur qu’un travail de muséologie serait adapté aux circonstances.
Mardi 21 mai
Demain retour au bercail. Pour me délasser, grande marche vers l’est. Traversée de la Kallang river, puis on longe le Riverside park. On tombe sur le stade, ceinturé d’un centre commercial en anneau où l’on peut se rafraîchir un instant. Il faut ensuite affronter Mountbatten Road, en plein travaux, avant de pouvoir rejoindre la côte. De là on peut marcher jusqu’à Changi Airport. Je n’irai pas si loin. En bord de mer, amarré à quelques kilomètres de la plage, des dizaines de navire, plus ou moins gros, parqués, attendant là un repreneur ? De retour à l’hôtel, j’essaye finalement la piscine sur le toit. Décadence touristique.
Mercredi 22 mai
L’avion est en fin de soirée. J’attrape quelques dim sum à Din tai fung pour le déjeuner, et arrive des heures en avance à l’aéroport. Le moment venu, je porte mes pas vers la porte d’embarquement, et la repère de loin au flux de tatouages qui s’y rend. Zurich est déjà là.
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Mercredi 12 juin
Vol en soirée au départ de Zurich à destination de Singapour, via Frankfort… Vol direct annulé, pas assez de passagers sans doute, bifurque sur la maison mère de Swiss, Lufthansa. Avion énorme à deux niveaux.
Jeudi 13 juin
Arrivée à Singapour à 16h ; un des hôtels Orchid 51 dans le quartier de l’ancien aéroport, Kalang. Populaire, Sim road avec nombreux Hawkers chinois mais aussi indiens, massages et rabatteurs. Décide de trouver un restaurant thailandais dans le complexe sportif juste au sud visité lors de ma dernière promenade de mai ; pour éviter le grand carrefour, bus pour arriver de l’autre côté du stade, un décathlon jouxte un McDonald ; travaux sur la route à l’arrivée, petit détour longeant une résidence de luxe grillagée, passerelle sur l’île sportive ; restaurant thai aux allures et aux prix très chics, me rabat sur enseigne indienne-mexicaine (!). Excellent curry et coupe du monde de cricket en direct de l’Angleterre. Retour à pied, passe le long de l’ancien aéroport le long d’une allée bétonnée isolée ambiance manoir déserté.
Vendredi 14 juin
Un peu faim et pas trop en avance, avale un burger rapide à deux pas de la bibliothèque nationale, et première visite dans cette institution, pour préparer un peu le week-end, l’artiste J.L. m’ayant fait part de deux présentations pouvant être intéressantes, demain samedi celle du directeur du musée d’art moderne de Séoul, dans le cadre de l’exposition sur les émancipations nationales de la galerie nationale, dimanche celle de l’artiste C.H-C., une des figure historique de l’art conceptuel à Singapour, dont je ne connais pas le travail. La bibliothèque possède quelques catalogues sur son travail, signe de sa renommée car autrement il n’y a pas grand chose sur ses étagères. Poursuis les repas sur le pouce en dînant dans un restaurant sériel hongkongais dans le centre commercial de Bugis, fort mauvais, et fort mal, réussissant à recouvrir ma chemise rose légère spécial tropique de sauce soja suite à la chute imprévue d’un large dim sum.
Samedi 15 juin
Présentation du coréen à la galerie nationale à 13h, petit auditorium du côté de la ‘supreme court wing’, sujet intéressant sur la scène artistique des années 1980 en coréen et le mouvement de démocratisation nationale, hyper-factuel avec zéro envergure, pas aidé par la traduction décalée coréen-anglais. Dehors c’est répétition pour la journée de fête nationale qui a lieu en août, avec chars, mitrailleuses etc…
Dimanche 16 juin
N’ai pas aperçu J. hier, mais il est présent ce dimanche au black earth museum, une galerie, à l’est de Kalang, inutilisée depuis quelques années, la propriété d’un riche entrepreneur du coin ayant fait fortune dans la confection de pains fourrés. Il est là également, audience réduite pour les trois artistes de l’exposition, C., sa femme C. et leur copine australienne ; gravures, dessins, vidéo, il y avait quand même le célèbre historien de l’art S., mais c’est C. qui me l’a dit le lendemain ! Présentation très relax de C., qui parle un peu de sa formation de graveur en Angleterre dans les années soixante, et de son séjour dans un studio de graveur en thailande ; il a bel et assez pur accent anglais, acquis c’est certain lors de son master à la Royal Academy. Après ce mini-événement, tout le monde (cinq personnes) va boire le thé en face, on reste cinq minutes avec J. avant d’aller jeter un œil au petit centre commercial malais en haut de Too Chiat Road, architecture caractéristique, puis de revenir s’installer en terrasse d’un resto chinois sur le segment très sympa de E. Coast Rd. Finissons avec nouilles de riz et bières dans un hawker.
Lundi 17 juin
RDV au tout nouveau centre culturel chinois, station Tanjong Pagar, pour rencontrer enfin l’artiste et archiviste K., qui y présente une vitrine sur la sculpture des artistes d’origine chinoise à Singapour. Premier arrivé dans la galerie, J. nous rejoint quelques minutes plus tard, et l’entretien débute avec un sympathique mais intense K.. Revue détaillée des éléments et de la logique de la vitrine. Cinq heure sonnant, partons manger ensemble, ce qui se transforme en un périple à travers divers hawkers revenant vers Chinatown. Finalement soupe de porc et abats traditionnels hokkien.
Mardi 18 juin
RDV avec C. au musée Black Earth, qui se souvenait de moi mais n’avait pas fait le lien avec le Gabriel ayant pris contact par courriel ! Discussion intéressante en terrasse et thé, liberté et fermeture de la société singapourienne, esthétisme et accessibilité, les lignes électriques enfouies et Malacca, où il habite désormais avec son épouse E. ; sa mère habite dans le quartier, mais ils songent retourner à Sydney, où ils enseignèrent longtemps. Partons déjeuner ensemble au coin de la rue, les deux femmes sont herbivores et les patrons chinois au courant. Deuxième rdv dans l’après-midi avec J. et K. à Kaki Bukit, pour voir l’archive de ce dernier. Il faut d’abord longer les logements des travailleurs indiens, pakistanais, et autres, qui viennent œuvrer quelques mois avant de retourner au pays. Dans un bâtiment entièrement consacré à la mécanique automobile, K. a deux pièces remplies de journaux, documents rares et photographies. Une pièce de stockage, à l’instinct plus que selon des méthodes avérées de bibliothécaire, et une pièce avec ordinateur et écran pour visionner. Ressortons après trois heures, pour aller dîner, finalement dans un Hawker non loin de Kalang et mon hôtel. C’est J. qui paye pour les deux, sorte d’arrangement implicite.
Mercredi 19 juin
RDV à 13h avec J. de Grey Projects, à Tiong Bahru, qui a accepté de me rencontrer à la dernière minute. L’espace d’exposition est au premier étage, étais déjà venu une fois l’an dernier, J. n’est pas encore arrivé et l’aimable et curieuse assistante m’invite à m’asseoir dans la pièce étroite alliant bureaux et bibliothèque de l’organisation, une fois fait le tour de l’assez pâle exposition de peinture du moment. J. arrive avec une demi-heure de retard, directement de la gym en short et T-shirt à manche courte. Il est avant tout poète, gay, cheveux courts et le corps joliment bodybuildé, nous avons le même âge mais pas la même silhouette… Très sympa, entretien assez rapide mais avec des chemins signifiants, la résidence dans un conteneur qui n’allait pas dans la bonne direction, les identités post-asiatiques. Passage à la librairie Books actually, qui a plusieurs livres de J. naturellement, puis visite de la galerie de planning urbain à côté de Chinatown. Tente un dîner de bonne heure dans les étages à Bugis, une soupe épicée pas très convaincante, souper de bonne à heure dans un burger king avant le pont de Kallang et au lit de bonne heure.
Jeudi 20 juin
Départ pour Jakarta avec Singapore Air Lines. Train neuf et complètement vide pour rejoindre le centre-ville. Hôtel à deux pas de la gare, chambre spacieuse, fauteuil en cuir, premières impressions sur la place de l’hôtel Indonésie, construite pour les jeux asiatiques de 1962, un rond-point très bouché où trônent un homme et une femme le bras levé, le Salamat Datang d’Edhie Sunarso. Dîner de bonne heure à Kaum, une adresse chic juste de l’autre côté du boulevard, le hic étant de trouver un moyen de traverser le boulevard.
Vendredi 21 juin
Au programme le musée d’histoire, un peu plus haut sur le boulevard. Station de bus à proximité, le guichetier tente de m’enrouler en me vendant un ticket puis me faisant passer avec sa carte  sur le ‘quai’ – il s’agit là d’un système récent les bus ayant une voie privée au milieu du chaos motorisé environnant ; inquiet de me retrouver sans billet à la prochaine station je fais marche arrière et récupère mes sous de la poche arrière de l’artiste, renonce à acheter une carte de transport, et pars à pied pour le musée… Marcher à Jakarta n’est pas une grande idée, pas de place pour les piétons, dangereux, enfumé… Arrive néanmoins au musée après avoir passé un nombre invraisemblable de policiers ; avais lu que les élections de la semaine dernière étaient tendues, résidu ? Non, dispositif spécial en préparation des cérémonies pour la fête de la ville ou quelque chose dans le genre. Enjambé les militaires assoupis sur les marches muséales, et parcours à travers l’histoire de l’Indonésie en cruche, maison et filets de pêche. Enchaîne vers le musée des beaux-arts qui est de l’autre côté du parc et du monument national, et qui … ferme ! Quatre heure le rideau tombe. Nouvelle marche en diagonale pour revenir à l’hôtel, et m’arrêtant dîner de bonne heure dans une oasis de bourgeoisie où l’on me sert une platée de mini-crevette frites et deux bouts de poulet fatigués.
Samedi 22 juin
Aujourd’hui la vieille ville avec ‘gojek’, le ‘uber’ indonésien. Bien pratique, je suis en un instant à l’ouest de la métropole et non loin de la mer. La vieille ville hollandaise est aussi le quartier touristique, où les écoliers pêchent le touriste pour pratiquer leur anglais. Staadthuis, avec une grande fresque historique peinte par Sudjojono, triptyque autour de la tentative de reconquête de Batavia par les Mataram en 1628. Musée des marionnettes, du Ramayana à guignol, où a lieu une représentation du fameux théâtre d’ombre javanais, mais chose extraordinaire, l’écran où officie le maitre de cérémonie, qui chante et manipule les figures, est disposé face à un mur… Les musiciens sont derrière lui bien sûr, puis le public ; personne ne peut voir le ‘véritable spectacle’, celui des ombres de l’autre côté… Dernier musée du carré aux céramiques, sur la place balance des groupes qui se préparent pour la fête du soir, fête de la ville de Jakarta, et direction musée de la marine à pied, installé dans les entrepôts historiques de la compagnie des Indes Orientales hollandaise (VOC). Juste avant, un mini-musée maritime, avec une tour d’époque et jolie vue sur les environs ; beaucoup de panneaux d’information dans le musée de marine, quelques artefacts intéressants, et un type auto-proclamé guide qui m’agrippe à mi-parcours et impossible de m’en défaire, à vous ruiner la culture sous la bande passante des faits et grands hommes historiques… Lui file quelques billets en dernier recours en refusant poliment sa proposition de me faire faire le tour du port et m’enfuie, toujours à pied, devant sa mine perplexe, le seul visiteur non motorisé depuis des années c’est sûr ! Longe une grande baie où œuvrent des pelleteuses amphibie qui charrient des bouées de merde de droite à gauche : c’est le bord de mer… Je cherchais un quartier sensé être un peu sympa dans le coin, mais tout est recouvert d’asphalte… Me réfugie dans ce qui doit être la pâtisserie-café la plus select de Jakarta, pas de wifi… Pas d’uber… Finalement un café américain au bord d’une zone résidentielle protégée me permet de joindre un voiturage… Et un retour qui s’avère très compliqué, je m’en doutais un peu, pour cause de fête nationale… Le chauffeur, pas très causant, faisait quand même de son mieux pour me ramener à l’hôtel, c’est à dire à deux pas du cœur de la fête avec les scènes qu’on montait le matin même. Totalement coincé dans une ruelle, ayant pu me gorger de l’effroyable trafic de Jakarta, je règle la note avec bonus pour ses malheurs, et finis à pied au travers d’une masse de véhicules immobilisés tout du long quarante minutes durant.
Dimanche 23 juin
Assure la visite de la galerie nationale, tout sera fermé demain. Jolie si modeste collection, des tableaux intéressants. Dîne indien au sous-sol d’un immeuble marchand, fort bien et pas donné.
Lundi 24 juin
Travail à l’hôtel toute la journée. Préparation du projet et texte pour ‘les corridors maritimes eurasiens’. Retourne dîner à Kaum.
Mardi 25 juin
Vol pour Singapour. Hotel Orchid à Kallang à nouveau, pièce sans fenêtre, dîner indien sur E. Coast Road.
Mercredi 26 juin
J. et K. m’avaient parlé du travail du photographe français G.M., qui a un poste à Lasalle. K. était venu en France avec lui, il y a trente ans peut-être, et assure qu’il fut le premier à s’intéresser aux Orang Lauts, avant que Z.K. n’en fasse son terrain d’exploration privilégié. Il a actuellement une exposition à la galerie de l’université nationale de Singapour, je m’y rends et je fais bien. Les pièces sont quelque peu inégales, mais un film lancinant sur Macau accroche, la ballade au Vietnam à travers photographies et textes est pas mal aussi, la revisitation des daguerréotypes du photographe britannique X.X intrigue. Ce serait bien de le rencontrer, C.V. me dira plus tard qu’il va développer sa recherche sur XX en Afrique… une autre fois. Au-dessus, belle collection d’œuvres, tableaux, sculptures, céramiques, rayonnant depuis et autour de Singapour.
Jeudi 27 juin
Vol pour Hong Kong depuis terminal chic. Hôtel sur Hennessy Road à Wan Shai, affaire du moment pour cause de travaux avoisinants, grande pièce pour la ville, avec un petit bureau amovible et vue les tours du quartier financier. Vais boire une bière dans un bar du coin qui s’avère être un bar à musique, j’entre au moment où deux blondinets le plus agé peut-être treize ans enthousiasment la foule à coup de classique rock n’ roll en acoustique. Heureusement c’est la fin du set, et bientôt toute la parentèle s’éclipse et la soirée peut reprendre son cours, avec un gars à la voix cassée et les prochains musiciens du soir comme audience.
Vendredi 28 juin
Asian Art Archive. Asia as method et autres références bibliographiques pour alimenter l’écriture des corridors maritimes eurasiatiques. Dîner à Indian Spices.
Samedi 29 juin
Rebelote, variante en soirée et dîner indien à Wan Chai ; quartier animé par ailleurs, au croisement du restaurant à l’étage, rue des bars avec larges hommes blancs aux grandes bières, et petites femmes asiatiques en jupes courtes.
Dimanche 30 juin
L’échéance pour le projet SNSF est imminente, passé la journée dans la chambre à écrire et polir, plutôt que d’aller à Macau.
Lundi 1 juillet
Toujours travaillant dans la chambre d’hôtel, la rumeur du monde venue des rues plus bas finit par attirer mon attention. Aux pieds de l’hôtel, Hong Kong défile, contre Carie Lam et sa loi autorisant les extraditions de citoyens hongkongais devant la justice chinoise (taux de condamnation : 99.5%), loi que la gouverneur non-représentative a déjà abandonné, mais pas retiré. Sous le soleil, ai passé trois heures à regarder passer les habitants, toujours ultra organisés pour laisser la rue comme ils l’ont trouvée avec différents bacs de recyclage et coordinateur de foules. Drapeaux américains et chansons populaire anglaise dans l’air. Dîner entre trois coudes au McDonald.
Mardi 2 juillet
De retour à Asian Art Archive, sur les traces du commissaire O.H., à qui j’ai écrit et envoyé quelques questions, et qui m’a répondu, toujours occupé, mais au moins sur pied. Ce sont ses archives personnelles qui ont été cataloguées par AAA, dans de belles boîtes beiges, mais ce sont plus des fragments qu’autre chose, les peigne néanmoins scrupuleusement.
Mercredi 3 juillet
Rebelote. Mangé à midi au restaurant thailandais recommandé à deux pas des archives qui était excellent.
Jeudi 4 juillet
Asian Art Archive en matinée, lance l’équipe de l’archive à la recherche d’une boîte contenant des informations sur un symposium portant sur l’historiographie des arts à Hong Kong. Ils sont serviables à AAA, mais d’une manière générale pas très causants ni souriants. Lorsqu’on rentre dans la bibliothèque, après avoir sonné et qu’on vous a ouvert la porte électriquement, on tombe face à une bibliothécaire réceptionniste qui vous ignore, quelle qu’elle soit, toujours superbement, à la manière des galeries d’art. Toutes les femmes sont d’ailleurs habillées de façon très stylé, en bref on se croirait dans une galerie d’art contemporain. Rendez-vous en début d’après-midi au musée de la marine de Hong Kong, à l’origine pour consulter leur centre de ressource, qui m’a finalement été annoncé comme une rencontre avec l’archiviste et la numéro deux du musée, D.C. La raison en est que le centre de ressource est en construction plus qu’autre chose, et l’archiviste sympathique vient juste d’être embauché. La discussion a lieu dans les sous-sols du musée, qui se trouvant sur une des anciennes jetées a des hublots donnant sur la mer, en présence de deux jeunes étudiantes en stage. La commissaire D.C est également sympathique, sans doute le fait que je suis introduit par la collègue de Lignan doit aider. Elle a la gentillesse de m’introduire à l’actuel directeur du musée, un australien, qui hausse les sourcils à l’idée que je travaille sur les représentations maritimes contemporaines : ‘on en a jamais vu’, dixit. Et bien je lui enverrai mes bouquins à l’occasion ! Assez incroyable pour un musée qui a quand même une collection et vocation artistique certaine. Mon impression est que la jolie hongkongaise fait le gros du boulot, et l’homme blanc garantit l’expertise managériale de type international.
Vendredi 5 juillet
Rendez-vous à 14 heures avec Professeur Y. et son époux, Professeur D., dans un restaurant du centre commercial Festival Walk près de Kowloon Tong Station. Pas trop de mal à trouver l’enseigne de Chicago le long d’une galerie marchande récente. Il s’avère que professeur Y. a déjà mangé, justement, je trouvais l’horaire étrange, je partage une ‘deep pan’ pizza et une bière avec D., qui semble intrigué par mes affaires maritimes, et par Sekula, apparemment ils auraient été en résidence ou en présence au Getty au même moment ; ils reviennent de Gdansk, coïncidence amusante, d’une conférence communication-media, où voulait m’inviter une collègue britannique en décembre dernier ; je leur compte mes aventures et annonce mon départ imminent pour le Japon, qui inclut un séjour à Okinawa, où ils sont allés, et dont ils gardent un souvenir vivide, en particulier d’une journée avec un taxi local à la visite des sites de la bataille d’Okinawa. Après les avoir quitté, balade dans Tim Sha Tsui, repasse à l’hôtel avant d’aller retrouver P. et Z. au sommet d’un gratte-ciel pour un dîner chic à deux pas d’une terrasse avec vue sur la baie. Nouveau boulot pour P., avec des assureurs français, et l’idée qu’un jour un retour en Europe serait une idée, en parallèle, l’actualité des manifestations à Hong Kong vue de l’intérieur.
Samedi 6 juillet
Asian Art Archive. Dossier sur l’historiographie de l’art de Hong Kong finalement trouvé et consulté ; maigre prise.
Dimanche 9 juillet
Découvre un nouveau terminal, pour le grand orient, avec en guise de petit déjeuner une large soupe de nouille au lard et œuf, avec des dim sum grillés pour faire bien, et un coca ! On s’habitue. Vol au-dessus d’archipels évanescents, les îles du Ruykku certainment. Arrivée à Hong Kong Tokyo Narita.